Un texte, un lieu...

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Depuis 1993, le Théâtre Alcyon se consacre à la production de spectacles dans des lieux étranges, dans des sites naturels ou urbains(forêts, parcs, gares, friches, lieux patrimoniaux, dans un train, sur un bateau...) parfois aussi dans des théâtres.

Il s’agit de repenser totalement, pour chaque spectacle, l’espace de représentation, le rapport au public. Faire du théâtre hors théâtre, c’est aussi une manière d’interroger les textes, renouveler les écritures.

Le temps...

Le choix d'un lieu "hors théâtre" pour le théâtre exacerbe la question de l'écriture théâtrale et plus particulièrement la question du déroulement dramatique. Entre le temps pour dire un texte et celui qu'impose l'espace de représentation il est nécessaire de trouver une harmonie, une métrique commune. Le théâtre classique a trouvé son équilibre en subdivisant le temps de la représentation en scènes, actes etc… Les écritures contemporaines tendent à se libérer de ce carcan. Aujourd'hui on parle souvent de tableaux, c'est une ponctuation plus incertaine. Lorsque l'on joue en extérieur un spectacle déambulatoire la ponctuation doit être encore plus lâche. Ce type de spectacle exige des changements de rythmes vertigineux, des procédés de jeu en boucle, des simultanéités… Il est donc nécessaire de trouver dans ce contexte une grande souplesse, une fluidité temporelle. Il faut que l'écriture soit rapide, dense, répétitive, que l'on puisse changer l'ordre des tableaux, jouer avec la chronologie. Le mot, la phrase, le fragment de texte sont des unités temporelles suffisamment ramassées, petites, pour s'adapter aux accidents de l'espace, au terrain, mais aussi aux respirations de l'acteur et du public.

...la matière

Plus qu'un sujet il s'agit d'abord de se donner une matière. Le sujet ne doit pas émerger trop tôt car il tend à clore le champ dramatique, à délimiter trop vite l'espace, l'enferme dans un concept réducteur. Une matière, comme celle que se donne le sculpteur, est un potentiel infini d'œuvres à venir. Cette matière est concrète, elle génère l'œuvre en la constituant. Choisir Dante ou Beckett, par exemple, c'est choisir des écritures ouvertes, des "matières d'écriture" que l'on peut mettre en scène, c'est à dire sculpter. Il ne s'agit pas, on le voit, d'adaptation, de collage. Il s'agit de mettre des écritures-matériaux (cf : Médée-matérial) en déséquilibre, en contradiction, dans un espace étranger. Il s'agit de faire balbutier le texte pour trouver la langue, la vie, le jeu. Il s'agit d'un mode de composition, d'une partition.

Promenade

Le travail commence par une promenade, marcher, se laisser envahir par le génie d'un lieu. Il faut éviter l'anecdote, l'histoire locale, élargir la vision, s'attacher à la symbolique, la poétique du lieu. Ce rêve d'espaces alimente un autre rêve. Il fait écho aux lectures, écritures, textes que l'on porte en soi. Rêves d'espaces et rêves de textes trouvent là une matérialité. Pour fixer les relations imaginaires entre espaces visités et textes choisis, nous photographions, nous dessinons les lieux envisagés mais aussi nous testons, par des lectures sur place, de possibles mises en scène. Parallèlement aux intentions esthétiques, on relève les caractéristiques géométriques, physiques du lieu. L'intimité ou l'ampleur, les pincements ou élargissements de l'espace, les différents plans, les axes et perspectives, les écrans naturels ou les découvertes sont ainsi répertoriés. Très tôt nous donnons une échelle aux espaces en situant les personnages dans le champ de la photo, du dessin ou sur place avec les comédiens.

Production

La production suppose un travail en résidence dans chaque lieu. La diffusion est donc une re-création de spectacle dans chaque site. Cette démarche ne suit pas les règles de production en salle, elle demande des qualités et des méthodes de travail particulières. Elle s’appuie en premier lieu sur une équipe artistique formée pour celà.